Quelle différence entre droit, religion, équité et morale ?

LA RÈGLE DE DROIT A UNE FINALITÉ SOCIALE: Droit et morale, droit et équité, droit et religion

Le droit a pour ambition de régler les relations extérieures des hommes entre eux pour y faire régner une certaine paix sociale. Il a une finalité sociale. Des auteurs illustrent cette idée par l’histoire de Robinson et Crusoé. Aussi, Robinson, seul dans son île, n’a-t-il aucun besoin de droit. S’il souhaite tout de même en fonder un, le malheureux n’y parviendrait jamais.

Pour l’homme seul, la notion de droit n’a aucun sens. Robinson peut tout au plus se doter d’une morale, celle de ses pères ou celle qu’il aura créée lui-même. Le droit, lui, suppose, la présence de l’autre : il n’a pas son siège dans le for intérieur, mais dans les rapports sociaux qu’il organise.

Les juristes le disent en latin : ubi societas, ibi jus (là où il y a société, il y a droit). Aussi, pour Robinson, la rencontre avec Vendredi change sa situation. Comme l’a dit un auteur (F. Terré), « elle contient le droit en germe ». En d’autres termes, la nécessité du droit ne se manifeste que lorsque l’homme vit en groupe. Or, l’homme, cet être sociable (Aristote) incline à vivre en société.

-La règle juridique est un facteur d’ordre, un régulateur de la vie sociale. Néanmoins, il ne s’agit pas là de la seule finalité du droit.

-Le Droit fournit un certain nombre de règles de conduite destinées à faire régner, tout à la fois, le progrès et la Justice. Tout le monde s’accorde sur cette finalité du droit même si des divergences existent sur le sens et la voie du progrès à suivre. Mais le droit n’est pas le seul à poursuivre cette finalité. Le Droit entretient des rapports étroits et ambigus tout à la fois avec la règle religieuse, la règle morale et l’équité car le Droit n’a seulement pour finalité de faire régner l’ordre, il a aussi pour ambition de faire régner un idéal de Justice. Envisageons, à partir de cette idée, ce qui oppose la règle de droit à d’autres règles qui peuvent aussi viser un certain idéal de justice, une progression de l’Humanité.

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1) Droit et Religion

Fondée sur un rapport transcendant, la religion présente ses commandements comme venant de Dieu. La règle religieuse veille au salut de l’être humain. La règle de droit n’en présente pas moins certains liens avec la règle religieuse.

-Il n’en est pas ainsi de toutes les règles juridiques. Il existe, en effet, des règles de droit dont on imagine mal les relations avec des commandements religieux. Il en est ainsi des dispositions du Code de la route. Il en est d’autres, au contraire, dont on perçoit aisément les possibles rapports avec la religion, par exemple celle qui gouvernent le mariage ou le divorce (ou exemples de règles du droit pénal). Dans certaines civilisations, (comme les pays de l’Islam) l’Inde, certaines sociétés archaïques, fortement imprégnées par la religion, la distinction des règles de droit et des règles religieuses est souvent difficile et artificielle. Ce fut aussi le cas en France, sous l’ancien régime : l’Eglise régissait certaines matières du droit privé (en particulier l’état des personnes et le droit de la famille). Néanmoins, sur le plan méthodologique, on peut observer que Droit et Religion s’opposent sur un certain nombre de points.

-Il est, par exemple, des contradictions évidentes entre le contenu de certaines règles de droit et l’enseignement de la religion, notamment judéo-chrétienne. Ainsi, il y a une contradiction évidente entre la légitime défense et le comportement qui consiste à tendre l’autre joue ou encore le recours possible à l’avortement ou au divorce. De plus, même lorsque le contenu de la règle juridique est directement inspiré par la loi religieuse (ne pas tuer, ne pas voler, …), l’on peut être conduit à considérer que les préceptes religieux concernent, au niveau de la sanction, des relations de l’homme avec la divinité, tandis que les règles de droit entraînent une sanction du groupe social.

2) Droit et Morale

-Ouverte aux impératifs de la conscience, la morale est plus exigeante que le droit, elle attend de l’homme, un dépassement. La morale est individualiste. Le droit ne régit pas les consciences mais le corps social. Vous pouvez, en toute impunité, avoir des envies de meurtre, des envies les plus inavouables, le droit ne s’en préoccupe pas. La morale, quant à elle, tend à la perfection de la personne et à son épanouissement. Pour illustrer l’opposition entre Droit et Morale, on cite souvent la phrase de Goethe : « Mieux vaut une injustice qu’un désordre », pour montrer que le but premier du droit est l’ordre, non la Justice.

-Mais, on peut faire remarquer que rien n’interdit que l’ordre soit fondé sur la morale, la justice. Bien au contraire, la loi injuste ne peut que se heurter à la résistance des consciences individuelles et du corps social. Le droit sera d’autant mieux respecté et assurera d’autant mieux l’ordre social qu’il sera fondé sur la morale. Certes le droit peut s’imposer par la force, mais l’ordre juridique risque alors de dégénérer en désordre social. Que deviendrait une société dont le droit permettrait ou encouragerait le vol ou la violence ?

-Aussi, personne ne conteste sérieusement que la morale et le droit doivent, autant que possible, coïncider. Le droit doit, dans la mesure du possible, s’inspirer de la morale. Le droit contient indéniablement une référence à la morale, à un idéal de Justice. Finalement, pour certains auteurs (Jestaz), la justice serait une composante irréductible du Droit, seul cet appel à la notion de juste « justifierait » qu’on laisse les colts au vestiaire.

-Aussi certains devoirs sont-ils naturellement à la fois juridiques et moraux. Ainsi, la conformité du contrat aux bonnes mœurs est une condition de sa validité (articles 6 et 1133 du Code civil). L’interdiction morale et religieuse de tuer ou de voler est consacrée par le droit. Il en est ainsi de la plupart des dispositions du Code pénal. Celui qui s’est injustement enrichi aux dépens d’autrui devra lui restituer cet enrichissement sans cause, celui qui aura trompé son partenaire pour l’amener à conclure une convention verra la convention annulé (dol) et il pourra être condamné à payer des dommages-intérêts, etc…

-De la même façon, la règle de droit s’inspire parfois de la morale : ainsi pour l’élaboration de la loi du 24 juillet 1994 relative au respect du corps humain, l’avis du Conseil consultatif national d’éthique (= morale) pour les sciences de la vie et de la santé a été sollicité. La fonction de cet organisme est de donner un avis moral sur la recherche et les pratiques scientifiques (notamment sur la recherche en matière génétique).

-Le contenu de la règle de droit n’est jamais gratuit, le fruit du hasard. Le caractère coercitif de la règle de droit n’est, le plus souvent, accepté que parce qu’il correspond aux valeurs fondamentales de l’homme. Le droit est heureusement, le plus souvent, le fruit d’un consensus social. La règle de droit est la mise en œuvre d’un projet politique poursuivi par la volonté dominante du corps social (J.L. Aubert). La morale sociale dominante inspire généralement le contenu de la règle juridique. L’expérience le prouve : le plus souvent, ce n’est pas le droit qui modifie la société mais l’évolution des mœurs de celle-ci qui conduit à la modification des règles de droit (Ex. : l’instauration du divorce par consentement mutuel correspondait à une attente sociale, la morale sociale s’est modifiée et a donc influencé le contenu de la règle juridique). (Mais pas toujours vrai : abolition de la peine de mort en 1981 : les sondages d’opinion démontraient qu’une majorité de français y était hostile)

3) Droit et Equité

(cf, l’ouvrage de Phillipe Jestaz, Le Droit, coll. Connaissance du droit, Dalloz)

L’équité a pu être joliment défini par un auteur comme la « justice avec un « j » minuscule, non celle qui se clame de la République à la Bastille, mais la justice discrète des cas particuliers (Jestaz). Le droit s’oppose, dès lors, à l’équité. Le juge, chargé d’appliquer la règle de droit, ne peut l’écarter parce qu’elle conduit à une injustice. Le juge statue selon le droit et non selon ce qui lui paraît juste. Les raisons en sont simples. Une des nécessités, inhérentes au droit, est de faire régner, non seulement la justice, mais aussi l’ordre, la sécurité, la paix.

-Ainsi, lorsqu’une vente est passée à un prix trop bas, la justice milite soit en faveur de la nullité de la vente, soit dans le sens du paiement d’un supplément de prix et la sécurité en faveur d’une stabilité des relations contractuelles. Aussi, entre une baisse de prix conforme à l’idéal de justice et le souci d’assurer la sécurité des transactions, le législateur a préféré fixer des seuils et des conditions en dehors desquelles le droit refuse de servir les intérêts de la Justice. En ce sens, on peut estimer qu’il est moins nuancé, plus rudimentaire.

-On peut être tenté de penser que le recours à l’équité permettrait peut-être de parvenir à un idéal de justice, à atténuer tout ce que le droit peut avoir de rigide, à réduire l’écart pouvant exister entre la justice et le droit. Mais la notion de Justice est trop subjective pour que le juge puisse s’y référer comme une norme.

Sous l’Ancien Régime, les Parlements (tribunaux sous l’ancien régime) avaient le pouvoir de statuer en équité :

« Dieu nous garde de l’équité des Parlements », disait-on alors. Le juge français doit aujourd’hui juger en droit.

La société a besoin de sécurité juridique, les personnes ont besoin de connaître, par avance, les conséquences possibles de leurs actes. Le droit doit aussi être uniforme sur tout le territoire. C’est une garantie de liberté individuelle et d’égalité des citoyens devant la loi.

-Néanmoins, là encore l’opposition entre le droit et l’équité doit être nuancée. Il arrive que le législateur renvoie expressément à l’équité des juges. Ainsi l’art. 1135 du Code civil dispose que « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature » et l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE permet au juge de condamner une partie à lui payer une certaine somme qu’il détermine « lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie » par exemple les honoraires de son propre avocat. D’autres fois, c’est plus indirectement que le pouvoir d’équité est attribué aux juges. Ainsi, le juge peut octroyer des délais au débiteur malheureux (Article 1244 al. 2), le juge dispose parfois d’un pouvoir modérateur par ex. en matière de clauses pénale (Article 1152 al. 2).

D’une manière plus générale, le juge peut statuer en équité lorsque les plaideurs l’y autorisent par un accord exprès et pour les droits dont ils ont la libre disposition (Article 12 CODE DE PROCÉDURE CIVILE) : le juge est alors amiable compositeur ce qui ne signifie pas conciliateur mais juge en équité. Il statue selon sa conscience. Sa décision ne peut être cassée pour violation de la loi. En dehors de ces hypothèses, il faut donc retenir que le juge ne peut statuer d’une façon générale en équité mais seulement en droit.

Au terme de cette introduction, nous avons, sans doute, une idée un peu plus précise de ce qu’est le droit. Cette idée se renforcera et se perfectionnera davantage, au fil de la découverte des différentes matières du droit.

Le Cours complet d’Introduction au droit est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, biens, acteurs de la vie juridique, sources du droit, preuves, responsabilité…)

· Cours complet d’Introduction au droit Application de la loi en Alsace-Moselle et Outre-mer Définition et rôle de la doctrine juridique Distinction entre droit interne, droit international et droit européen Droit privé, droit public et droit mixte Entrée en vigueur, abrogation et force obligatoire de la loi La notion de coutume et sa fonction La primauté du droit international dans l’ordre interne La règle de droit est obligatoire, générale, permanente Le juge et la jurisprudence, créateurs de droit? Le principe de non-rétroactivité des lois L’autorité de la chose jugée L’interprétation juridique de la règle de droit par le juge

· Notion de patrimoine : théorie classique et moderne Quelle différence entre droit objectif et droits subjectifs? Quelle différence entre droit, religion, équité et morale? Quelle différence entre la loi et le règlement? Comment distinguer droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux? Détermination de la charge de la preuve : qui doit prouver? La distinction entre droits réels et droits personnels L’action en justice : définition et conditions L’admissibilité des preuves des actes et faits juridiques L’écrit ou preuve littérale, une preuve parfaite Les preuves imparfaites (témoignage, présomption, aveu, serment) Qu’est ce que l’objet de la preuve?

· Quelle différence entre magistrat du siège et du parquet ? Les juridictions administratives Les juridictions européennes (CEDH, CJUE et TPIUE) Les principes directeurs de l’instance Présentation des juridictions pénales La cour d’appel : organisation, rôle, formation La Cour de cassation : Rôle, composition et formation Le Conseil constitutionnel : origine, rôle, composition TGI : compétence, composition, organisation Tribunal de Commerce : compétence, organisation, composition Le tribunal de proximité : Compétence, organisation, composition Le Tribunal des conflits : origine, rôle, composition Le tribunal d’instance : compétence, organisation, composition Le tribunal paritaire des baux ruraux