Rapports de voisinage entre domaine public et fonds souverains

LES RAPPORTS DE VOISINAGE ENTRE LE DOMAINE PUBLIC ET LES FONDS RIVERAINS

Si la question se pose aujourd’hui c’est parce que le voisin n’est plus un voisin ordinaire. Aujourd’hui c’est quelqu’un qui ne peut pas vivre sans domaine public parce que sa propriété est imbriquée dans le domaine public.

Et inversement, le domaine public tire beaucoup d’argent de ces voisinages intimes parce que la valeur de la propriété tient au fait qu’elle est liée au domaine public.

Nécessité de permettre des rapports juridiques entre propriétés, ce sont des rapports réels.

Le droit du domaine public était considéré comme très peu accueillant à ce réseau entre voisin : Le droit du domaine public était protecteur.

Ce qui veut dire qu’il va falloir faire preuve d’inventivité : Les mécanismes que le droit privé connaît pour organiser des rapports réels entre fonds risquent de buter sur l’inaliénabilité du domaine public.

Interdiction de tous droits réels sur le domaine public.

I- Les charges de voisinage au profit du domaine public

Le domaine public est ici le fond dominant et il s’agit de voir les charges qu’il peut imposer au fond servant.

Est-ce que les propriétés voisines du domaine public sont assujetties à l’égard du domaine public aux mêmes charges que celles qui existent entre fonds privés ?

Les propriétés privées, du point de vue des charges qu’elles supportent ne sont pas dans une situation différente que si le fond dominant était géré par une personne privée (pour faire simple : la réponse à la question est oui)

Le bénéfice des charges sur les fonds servants voisins ne peut donc pas nuire à l’affectation et ne contrarie en rien le régime de domanialité publique superposé à la propriété privée.

La Jurisprudence de la Cour de Cassation semble considérer que les servitudes légales du Code civil sont en principe inapplicables aux fonds voisins du domaine public :

Le propriétaire du domaine public va prendre la responsabilité d’établir le domaine public et donc les servitudes de pleins droits légales ne s’appliquent pas.

Les servitudes administratives :

Charges qui pèsent sur les propriétés privées et publiques au nom d’un Intérêt Général. Les publicistes, les meilleurs cela va sans dire, ont pris l’habitude de regrouper dedans deux institutions différentes :

– de vraies servitudes, qui mettent en présence un fond dominant bénéficiaire de la servitude et un fond servant qui la supporte

– Mais aussi des servitudes qui n’ont pas cette nature et qui sont des charges d’Intérêt Général, non imposé à l’égard d’un fond dominant.

On n’étudiera pas les servitudes de l’urbanisme, fausse servitude, relevant de la police de l’urbanisme.

S’agissant des vraies servitudes :

Elles bénéficient un fond déterminé appartenant au domaine public, pesant sur un fond privé voisin.

Nature de vraie servitude mais qui n’existe pas dans les rapports entre fonds privés.

Servitudes administratives en matière d’irrigation par exemple…

Servitudes de carrière qui interdisent de creuser à proximité de la voie publique.

Servitude de hallage ou de marche pied : La propriété riveraine d’un cours d’eau doit laisser le passage pour le tractage des bateaux.

Le domaine public militaire exerce des servitudes sur les fonds voisins.

Le Cours de droit administratif des biens des biens est divisé en plusieurs fiches :

II- Les charges grevant le domaine public au bénéfice du voisin

A- Le cas général

Distinguons entre les charges légales de droit privé, et les servitudes établies par voie conventionnelle.

1) Les charges légales de droit privé

Le domaine public n’est pas soumis en principe à ces charges légales établies par la loi au bénéfice des fonds dominants privés.

La raison se trouve dans le régime de a domanialité publique et dans la conviction que ce régime de charges ne prend pas en compte le fait que le fond servant a une affectation déterminée qui peut n’être pas compatible avec l’établissement de cette servitude légale.

L’affectation d’Utilité Publique justifie donc que ces charges ne s’appliquent pas de plein droit. Du même coup cette nécessité de l’affectation est aussi la mesure de la prohibition des charges de voisinage : Si pas d’objections à l’Utilité Publique alors pas de raison d’écarter ces charges.

Ainsi, le couple qu’il faut avoir à l’esprit est celui : Affectation + Charge de voisinage et non pas celui inaliénabilité + charge de voisinage.

Inaliénabilité de l’affectation comme protectrice de l’affectation.

Le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation jugent que la cession de mitoyenneté du mur qui sépare les propriétés ne peut pas être imposée au domaine public.

Idem pour les servitudes de jour et de nuit, les servitudes de passages en cas d’enclave etc…

Arrêt de la 1ère chambre civile, du 2/02/1994, STE ESCOTA, Cour de Cassation :

– La Cour d’Appel a pris la peine de vérifier que la servitude ne compromettait pas l’affectation

– La Cour de Cassation casse car il y a erreur de droit : La Cour d’Appel a appliquée mécaniquement une servitude du code civil. Le fait même de cette application correspond à une démarche juridique erronée, et ceci quand bien même l’affectation ne serait pas compromise.

– On ne peut qu’utiliser des SERVITUDES CONVENTIONNELLES !

2) Servitudes conventionnelles

Elles doivent respecter l’affectation.

La présentation classique sur ce point est une présentation négative : Le domaine public est inaliénable ; l’inaliénabilité est l’interdiction de céder mais donc aussi de démembrer, de céder des droits réels et donc une servitude réelle correspond à une aliénation interdite par l’article L52 du code du domaine de l’Etat.

Présentation révolue.

Le raisonnement présenté attache l’inaliénabilité à la propriété alors que l’inaliénabilité protège l’affectation

L’inaliénabilité n’interdit pas la Constitution de servitudes.

La Cour de Cassation a toujours considéré que les servitudes réelles conventionnelles pouvaient être établies sur le domaine public et elle a toujours fait la réserve de l’affectation.

Le Conseil d’Etat a toujours admis au contentieux que lorsqu’un bien entrait dans le domaine public et qu’il était grevé d’une servitude réelle conventionnelle celle-ci survivait à l’entrée du bien dans le domaine public à condition qu’elle soit compatible avec l’affectation.

Le Conseil d’Etat a été consulté sur de nombreux décrets qui portaient sur des opérations de déclassement en volume du domaine de la voierie ou du domaine ferroviaire.

Le Conseil d’Etat a été saisi d’un décret :

– 1er Article : Tel volume est déclassé

– 2ème article : Le bien déclassé pourra bénéficier de servitude réelle sur le domaine public.

Nous sommes en présence de décret, d’acte réglementaire ; Avis favorable. Donc pas d’obstacle ! Possibilité de faire des servitudes conventionnelles.

Décision du Conseil Constitutionnel du 21/07/94: Le fait de consentir des droits réels était l’objet de la loi. Cette possibilité de droit réel n’était en rien contraire à l’inaliénabilité du domaine public.

Si l’affectation du domaine qui était respectée, change alors on expropriera la servitude.

B- Le cas particulier de la voierie routière

Il existe une vieille institution, les AISANCES DE VOIERIE.

Ce sont des servitudes bénéficiant à des fonds privés car voisins du domaine public (le fond servant).

Servitude légale : Hypothèse où le « législateur » a mis en place un système d’automaticité.

Ces aisances ont donc le caractère automatique des servitudes légales mais elles relèvent plutôt de la Coutume.

Limité en nombre : Le fond dominant est forcément le fond voisin et le fond servant, la voierie routière.

Limité en objet, le voisin a 3 droits :

– Accès

– Vue

– Egout

Contentieux à l’origine judiciaire car ces servitudes paraissaient comme civiles.

Or ce qui justifie ces servitudes c’est l’affectation du domaine.

Le Juge a considéré que la cessation de l’affectation domaniale fait cesser la servitude : C’est parce qu’il y a affectation qu’il y a servitude.

Pas d’aisance de voierie sur le domaine maritime, le domaine ferroviaire (heureusement…)

Ecartée pour les autoroutes, les pistes cyclistes, les quartiers piétonniers…

Le bénéfice de l’aisance de voierie bénéficie d’un droit de préemption si le domaine public est vendu.